Résumé À partir d'observations empiriques menées en Inde du Sud et au Sénégal, cet article porte sur la complexité et la diversité des pratiques et des circuits monétaires et financiers de femmes pauvres. Une analyse des expériences et des vécus individuels révèle la subtilité et la complexité des pratiques ainsi que leur inscription sociale : outre des contraintes matérielles, ces pratiques expriment, reproduisent, actualisent parfois infléchissent l'ensemble des relations intimes et sociales dans lesquelles les femmes sont impliquées. Notre analyse reflète également le poids des normes et des institutions en vigueur pour les femmes des deux groupes sociaux étudiés, en particulier concernant les alliances matrimoniales, l'accès à la propriété et à l'emploi. Plus précisément, cette analyse met en lumière le jeu permanent d'interprétation, d'ajustement et de contournement de ces normes, Outre la diversité de positions et de statuts qu'occupent les femmes étudiées ici, c'est aussi ce travail incessant d'adaptation qui explique l'hétérogénéité des arrangements et des trajectoires observés.
Dans un village côtier de l'Île Maurice, une école de « techniciennes de maison » tente d'éduquer, d'hygiéniser et de rendre les femmes du village employables dans les emplois domestiques et hôteliers, afin de servir les nouveaux résidents étrangers de la côte. Peu de villageoises ont toutefois voulu suivre cette formation. Cet article vise à retracer la provenance et les objectifs du projet pédagogique de cette école, en analysant les cadres d'interprétation et les émotions de ses fondateurs, en recherchant l'histoire des catégorisations et des techniques d'éducation de ces femmes, et en tenant compte des tensions que les réfractaires à l'école introduisent dans les rapports sociaux qui encadrent l'action pédagogique. La démarche adoptée rend compte du dispositif colonial de pouvoir encore en vigueur aujourd'hui, qui a disséminé les normes de la bourgeoisie européenne de façon mondialisée, par la domestication des femmes pauvres, notamment par les réseaux religieux, pour contrôler la masse des travailleurs dans les métropoles comme dans leurs colonies. L'article montre également que les résistances de femmes à leur domestication dans le village côtier étudié participent au contexte dans lequel les techniques de pouvoir sur les femmes sont mises en œuvre et réélaborées.
In: Lien social et politiques: revue internationale et interdisciplinaire de sciences humaines consacrée aux thèmes du lien social, de la sociabilité, des problèmes sociaux et des politiques publiques, Heft 59, S. 115-124
Cet article rend compte de la mise en place de politiques publiques dans la sphère de la santé, identifiées sous le nom d'« humanisation de l'accouchement et de la naissance » et de leur emprise sur l'expérience de la maternité des femmes de milieux populaires urbains au Brésil du Nord-Est (Nordeste). Nous nous pencherons sur celle qui nous semble la plus représentative du vaste ensemble de politiques publiques issues de ce processus : la promotion de l'allaitement maternel. Les données ethnographiques, collectées lors de notre travail de terrain au sein de trois maternités publiques ainsi que dans un quartier populaire de la ville de Recife, seront analysées dans le but d'enrichir la discussion sur la régulation du corps des femmes pauvres à travers les dispositifs de santé publique. L'approche analytique tente de ne pas succomber à une vision déterministe de la relation système de santé/actrice-mère, en essayant d'engager une réflexion sur l'articulation entre les dispositifs et les expériences des parturientes.
Si la honte se caractérise par l'impossibilité de disparaître, elle bout en nous au point de provoquer de graves perturbations identitaires. Formée par des petits éléments dans la vie des êtres humains, la honte est un poison qui annihile les capacités d'agir, au point de tout lâcher, de ne plus rien demander, de vouloir se cacher... Cet article tente d'explorer les différentes facettes de la honte auprès d'une catégorie de pauvres : les femmes sans domicile fixe confrontées à diverses formes d'humiliation dans leur parcours de vie.
From 1810 to 1923 abortion in France is classified a crime, tried in the Assize Court. The March 27th 1923 law, requalifies abortion as a misdemeanor, tried in the Tribunal Correctionnel. This is known as "correctionnalisation". An examination of the motives for this reveal how a conservative lobby builds a rhetoric of a "depopulation crisis» during the interwar period, manipulating it to enact laws governing female fertility. This law is part of a legal arsenal, including the laws of 1920 and 1939, established to maintain women in their traditional roles as housewives and mothers. Only the preservation of the patriarchal family is the solution to the "demographic debacle" that is worsening since the Great War. Historians view these abortion laws as a sign of the power of the anti-feminists of this time. Nevertheless, their politics fail to increase the birth rate before the end of the Third Republic. How can we explain this failure? What does it teach us about inter war women's history in France? An analysis of the anti-abortion rhetoric of these familialist-natalist activists, contrasted with stories of actual abortion experiences gathered in the records for abortion trials provides helps to answers to these questions. The rupture between familialist-natalist rhetoric and the reality of abortion, partly explains the failure of their repressive policies. Research in court records shows that judicial authorities do not perceive abortion as a problem of declining population. Instead, they use abortion investigations trials to punish women under the law but also to methodically humiliate them in public in order to destroy their reputations. These judges, who share the dominant view of the female social role, use these trials as a tool for social control of women. It is mostly women of the lower classes who pay the highest price for their choice of abortion. ; De 1810 à 1923 l'avortement en France est un comme un crime jugé en Cours d'Assises. La loi de 27 mars 1923 re classifie l'avortement en délit jugé par le ...
From 1810 to 1923 abortion in France is classified a crime, tried in the Assize Court. The March 27th 1923 law, requalifies abortion as a misdemeanor, tried in the Tribunal Correctionnel. This is known as "correctionnalisation". An examination of the motives for this reveal how a conservative lobby builds a rhetoric of a "depopulation crisis» during the interwar period, manipulating it to enact laws governing female fertility. This law is part of a legal arsenal, including the laws of 1920 and 1939, established to maintain women in their traditional roles as housewives and mothers. Only the preservation of the patriarchal family is the solution to the "demographic debacle" that is worsening since the Great War. Historians view these abortion laws as a sign of the power of the anti-feminists of this time. Nevertheless, their politics fail to increase the birth rate before the end of the Third Republic. How can we explain this failure? What does it teach us about inter war women's history in France? An analysis of the anti-abortion rhetoric of these familialist-natalist activists, contrasted with stories of actual abortion experiences gathered in the records for abortion trials provides helps to answers to these questions. The rupture between familialist-natalist rhetoric and the reality of abortion, partly explains the failure of their repressive policies. Research in court records shows that judicial authorities do not perceive abortion as a problem of declining population. Instead, they use abortion investigations trials to punish women under the law but also to methodically humiliate them in public in order to destroy their reputations. These judges, who share the dominant view of the female social role, use these trials as a tool for social control of women. It is mostly women of the lower classes who pay the highest price for their choice of abortion. ; De 1810 à 1923 l'avortement en France est un comme un crime jugé en Cours d'Assises. La loi de 27 mars 1923 re classifie l'avortement en délit jugé par le ...
From 1810 to 1923 abortion in France is classified a crime, tried in the Assize Court. The March 27th 1923 law, requalifies abortion as a misdemeanor, tried in the Tribunal Correctionnel. This is known as "correctionnalisation". An examination of the motives for this reveal how a conservative lobby builds a rhetoric of a "depopulation crisis» during the interwar period, manipulating it to enact laws governing female fertility. This law is part of a legal arsenal, including the laws of 1920 and 1939, established to maintain women in their traditional roles as housewives and mothers. Only the preservation of the patriarchal family is the solution to the "demographic debacle" that is worsening since the Great War. Historians view these abortion laws as a sign of the power of the anti-feminists of this time. Nevertheless, their politics fail to increase the birth rate before the end of the Third Republic. How can we explain this failure? What does it teach us about inter war women's history in France? An analysis of the anti-abortion rhetoric of these familialist-natalist activists, contrasted with stories of actual abortion experiences gathered in the records for abortion trials provides helps to answers to these questions. The rupture between familialist-natalist rhetoric and the reality of abortion, partly explains the failure of their repressive policies. Research in court records shows that judicial authorities do not perceive abortion as a problem of declining population. Instead, they use abortion investigations trials to punish women under the law but also to methodically humiliate them in public in order to destroy their reputations. These judges, who share the dominant view of the female social role, use these trials as a tool for social control of women. It is mostly women of the lower classes who pay the highest price for their choice of abortion. ; De 1810 à 1923 l'avortement en France est un comme un crime jugé en Cours d'Assises. La loi de 27 mars 1923 re classifie l'avortement en délit jugé par le ...
S'appuyant sur la thèse de Colette Guillaumin selon laquelle le confinement dans l'espace est l'un des principaux moyens de l'appropriation de la classe des femmes par la classe des hommes, cet article montre comment les politiques internationales de prévention et de prise en charge des victimes de traite ont contribué au déploiement de logiques d'appropriation et d'immobilisation des femmes. Prenant pour terrain d'étude les programmes anti-traite développés entre le Laos et la Thaïlande, trois niveaux de confinement des femmes dans l'espace sont identifiés : la dissuasion et l'interdiction faites aux jeunes filles et femmes pauvres et non accompagnées de franchir des frontières internationales, l'immobilisation de celles identifiées comme victimes de traite dans des centres de réhabilitation, enfin l'incorporation de la clôture et du travail dévalorisé à travers les enseignements et règles diffusées dans ces espaces.
International audience ; Assistance et police des familles en Amérique latine Sous la direction de Blandine Destremau et Isabel Georges Publié in Destremau B., Georges I. (eds.), Le care, face morale du capitalisme. Assistance et police des familles en Amérique latine, Bruxelles, Peter Lang, 2017, p. 15-54. L'origine du livre Cet ouvrage est un des fruits de l'aventure collective qu'a été le projet LATINASSIST-ANR Les Suds II (2011-2014), dans lequel participaient six équipes nationales (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Mexique). Le choix de ces pays a été motivé d'une part par la qualité des liens des chercheurs avec le coordinateur initial du projet-pour un certain nombre ses anciens étudiants à l'Université de Paris I-IEDES, qui avaient trouvés des postes dans leurs pays d'origine 1. D'autre part, la plupart de ces pays ont bénéficié, pendant cette période, d'une conjoncture politique de gouvernements dits « de gauche » et de ce fait de politiques sociales « plus volontaristes », incitant à l'analyse. Celles-ci contrastent avec la conjoncture précédente des années 1990, marquées par les politiques néolibérales qui ont accompagné le retour à la démocratie après la fin des régimes dictatoriaux et/ou militaires dans la région. Ce projet a permis non seulement de faire ressortir la variété des formes d'appropriation des acteurs de l'offre des politiques sociales latino-américaines, mais également la dimension du genre contenue dans ces politiques, et s'imposant à l'analyse théorique. Nous sommes entrés dans le projet en construisant une focale sur « les femmes 2 » (destinataires et agentes de l'assistance) et leur place dans ces politiques ; notre titre initial était ainsi : « Offre institutionnelle et logiques d'acteurs: femmes assistées dans six métropoles d'Amérique latine ». Notre travail collectif nous a permis de passer d'études sur les femmes à des analyses sur les relations de genre incorporées dans et reproduites par les politiques d'assistance, et d'élaborer des réflexions en termes de rapports ...
International audience ; Assistance et police des familles en Amérique latine Sous la direction de Blandine Destremau et Isabel Georges Publié in Destremau B., Georges I. (eds.), Le care, face morale du capitalisme. Assistance et police des familles en Amérique latine, Bruxelles, Peter Lang, 2017, p. 15-54. L'origine du livre Cet ouvrage est un des fruits de l'aventure collective qu'a été le projet LATINASSIST-ANR Les Suds II (2011-2014), dans lequel participaient six équipes nationales (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Mexique). Le choix de ces pays a été motivé d'une part par la qualité des liens des chercheurs avec le coordinateur initial du projet-pour un certain nombre ses anciens étudiants à l'Université de Paris I-IEDES, qui avaient trouvés des postes dans leurs pays d'origine 1. D'autre part, la plupart de ces pays ont bénéficié, pendant cette période, d'une conjoncture politique de gouvernements dits « de gauche » et de ce fait de politiques sociales « plus volontaristes », incitant à l'analyse. Celles-ci contrastent avec la conjoncture précédente des années 1990, marquées par les politiques néolibérales qui ont accompagné le retour à la démocratie après la fin des régimes dictatoriaux et/ou militaires dans la région. Ce projet a permis non seulement de faire ressortir la variété des formes d'appropriation des acteurs de l'offre des politiques sociales latino-américaines, mais également la dimension du genre contenue dans ces politiques, et s'imposant à l'analyse théorique. Nous sommes entrés dans le projet en construisant une focale sur « les femmes 2 » (destinataires et agentes de l'assistance) et leur place dans ces politiques ; notre titre initial était ainsi : « Offre institutionnelle et logiques d'acteurs: femmes assistées dans six métropoles d'Amérique latine ». Notre travail collectif nous a permis de passer d'études sur les femmes à des analyses sur les relations de genre incorporées dans et reproduites par les politiques d'assistance, et d'élaborer des réflexions en termes de rapports sociaux de sexe, génération, classe et race. Plus largement, nous avons été amenés à nous interroger sur la place du travail du care dans le capitalisme contemporain, dans ses configurations locales observées. Le projet initial a été construit autour de six équipes territoriales, engagées sur des terrains dans six métropoles ou villes: Buenos Aires, São Paulo/São Carlos, Santiago, Bogotá, Cuba, Guadalajara. Les chercheurs y ont adopté des objets de recherche diversifiés, tous en rapport avec des politiques d'assistance et/ou sociales. L'élaboration progressive, au sein du projet, d'axes problématiques transversaux, qui coupaient au travers des équipes nationales/régionales et faisaient sens de la diversité des objets, a constitué un enjeu clé de notre démarche. Le déplacement du regard, comme la variation des échelles d'analyse ont formé des outils épistémologiques centraux de la démarche d'enquête « compréhensive ». Par tâtonnement, en particulier lors de nos rencontres d'équipe (deux à Paris, une à Guadalajara (Mexique), une à São Carlos (Brésil), mais aussi lors d'autres rencontres scientifiques (colloques, congrès), se sont ainsi élaborées trois perspectives problématiques, au sein desquelles la comparaison entre terrains s'est progressivement tissée, en mobilisant les ressources de la pluralité des 1 Un autre ouvrage collectif chez Karthala marque le point de départ intellectuel du projet (Borgeaud-Garcíandia et al., 2009). 2 De ce fait, bien que la plupart du temps, les acteurs analyses sont des actrices, nous n'employons pas systématiquement la forme grammaticale féminine, sauf si cela change le sens de la phrase, pour faciliter la lisibilité du texte.
International audience ; Assistance et police des familles en Amérique latine Sous la direction de Blandine Destremau et Isabel Georges Publié in Destremau B., Georges I. (eds.), Le care, face morale du capitalisme. Assistance et police des familles en Amérique latine, Bruxelles, Peter Lang, 2017, p. 15-54. L'origine du livre Cet ouvrage est un des fruits de l'aventure collective qu'a été le projet LATINASSIST-ANR Les Suds II (2011-2014), dans lequel participaient six équipes nationales (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Mexique). Le choix de ces pays a été motivé d'une part par la qualité des liens des chercheurs avec le coordinateur initial du projet-pour un certain nombre ses anciens étudiants à l'Université de Paris I-IEDES, qui avaient trouvés des postes dans leurs pays d'origine 1. D'autre part, la plupart de ces pays ont bénéficié, pendant cette période, d'une conjoncture politique de gouvernements dits « de gauche » et de ce fait de politiques sociales « plus volontaristes », incitant à l'analyse. Celles-ci contrastent avec la conjoncture précédente des années 1990, marquées par les politiques néolibérales qui ont accompagné le retour à la démocratie après la fin des régimes dictatoriaux et/ou militaires dans la région. Ce projet a permis non seulement de faire ressortir la variété des formes d'appropriation des acteurs de l'offre des politiques sociales latino-américaines, mais également la dimension du genre contenue dans ces politiques, et s'imposant à l'analyse théorique. Nous sommes entrés dans le projet en construisant une focale sur « les femmes 2 » (destinataires et agentes de l'assistance) et leur place dans ces politiques ; notre titre initial était ainsi : « Offre institutionnelle et logiques d'acteurs: femmes assistées dans six métropoles d'Amérique latine ». Notre travail collectif nous a permis de passer d'études sur les femmes à des analyses sur les relations de genre incorporées dans et reproduites par les politiques d'assistance, et d'élaborer des réflexions en termes de rapports sociaux de sexe, génération, classe et race. Plus largement, nous avons été amenés à nous interroger sur la place du travail du care dans le capitalisme contemporain, dans ses configurations locales observées. Le projet initial a été construit autour de six équipes territoriales, engagées sur des terrains dans six métropoles ou villes: Buenos Aires, São Paulo/São Carlos, Santiago, Bogotá, Cuba, Guadalajara. Les chercheurs y ont adopté des objets de recherche diversifiés, tous en rapport avec des politiques d'assistance et/ou sociales. L'élaboration progressive, au sein du projet, d'axes problématiques transversaux, qui coupaient au travers des équipes nationales/régionales et faisaient sens de la diversité des objets, a constitué un enjeu clé de notre démarche. Le déplacement du regard, comme la variation des échelles d'analyse ont formé des outils épistémologiques centraux de la démarche d'enquête « compréhensive ». Par tâtonnement, en particulier lors de nos rencontres d'équipe (deux à Paris, une à Guadalajara (Mexique), une à São Carlos (Brésil), mais aussi lors d'autres rencontres scientifiques (colloques, congrès), se sont ainsi élaborées trois perspectives problématiques, au sein desquelles la comparaison entre terrains s'est progressivement tissée, en mobilisant les ressources de la pluralité des 1 Un autre ouvrage collectif chez Karthala marque le point de départ intellectuel du projet (Borgeaud-Garcíandia et al., 2009). 2 De ce fait, bien que la plupart du temps, les acteurs analyses sont des actrices, nous n'employons pas systématiquement la forme grammaticale féminine, sauf si cela change le sens de la phrase, pour faciliter la lisibilité du texte.